John Doe

ESAF ou la réunion suprémaciste

«Depuis des siècles, la lutte fait partie des traditions vivantes de la Suisse. Impossible de dire avec précision depuis quand les jeunes hommes pratiquent ce sport en Suisse. Cela peut s’expliquer par le fait que, par le passé, la rédaction de comptes-rendus de ces fêtes de lutte ou l’établissement de classements écrits ne revêtait pas une grande importance. Cependant, quelques rares écrits laissent supposer que cette forme de lutte ancestrale était déjà connue au Xe siècle. Une chose est certaine : ce sport était pratiqué par les armaillis et les montagnards. Cette forme de lutte revêtait une grande importance dans les régions de l’Oberland bernois, de l’Emmental et de l’Entlebuch, ainsi que dans les cantons de Schwyz, d’Appenzell, d’Obwald et de Nidwald, en particulier auprès des professionnels de l’agriculture et de l’artisanat traditionnel.»

Cette brève description tirée du site officiel de l’ESAF permet assez rapidement de comprendre pourquoi ce journaliste à la RTS, Stéphane Deleury, a publié ce tweet: «Une foule immense. Une voiture des années 30. Un leader.»

Écartons un instant ce tweet grotesque – que son auteur a finalement supprimé, réalisant son absurdité – et permettez-moi de relater mon expérience personnelle à l’ESAF.

L’ambiance générale était paisible et festive. À ma connaissance, pas de coups de couteaux, d’émeutes, ou d’agressions à la seringue. L’ESAF, c’est l’opposé parfait du Montreux Jazz Festival, du Paléo Festival ou encore de la Street Parade, et c’est aussi pour cela qu’aucune des violences citées plus haut ne se produira jamais à la fête fédérale de lutte et jeux alpestres. Pourquoi?

Tout d’abord, il y a un lien très étroit entre la musique et la civilisation ou la civilité, comme l’a très bien démontré Renaud Camus. Écoutez la musique de la Street Parade, puis regardez quel comportement adoptent les gens, et vous ne serez pas surpris. Pour être poli, c’est du bruit et non de la musique. À l’ESAF, la seule musique que l’on pouvait entendre était de la musique traditionnelle suisse – fasciste pour notre journaliste -, jouée par des groupes venus des quatre coins de notre pays.

S’ajoute à une musique traditionnelle et sublime l’homogénéité de la population. À titre personnel, je suis tellement habitué au changement de peuple et de civilisation actuel que j’étais même surpris d’apprendre qu’il y avait encore des Suisses en Suisse. Ce rassemblement de personnes rappelle curieusement à certains soit les heures les plus sombres, soit un suprémacisme blanc venu du fin fond de l’Appenzell. D’ailleurs, n’est-il pas le dernier canton à avoir autorisé le droit de vote des femmes? Tout cela est très suspicieux.

Nous pourrions aussi ajouter la propreté et la sécurité comme expériences tout à fait surprenantes alors même que plus de 400’000 personnes étaient annoncées. J’avais tweeté, à mon tour, mon étonnement concernant ces deux points. Le premier est que les spectateurs laissaient sans surveillance leurs affaires personnelles. Peut-on imaginer cela un seul instant ailleurs qu’à cette fête? De plus, il n’y avait pas un seul déchet par terre. Absolument aucun. Les participants jetaient leurs déchets à la poubelle, et, en plus, les triaient.

En écrivant ces lignes, je me rends compte que le civisme est une exception, et non plus la norme. Le retour du nazisme imaginaire de M. Deleury est bien désolant et comme l’a très bien dit Edgard Quinet : «Le véritable exil n’est pas d’être arraché de son pays ; c’est d’y vivre et de n’y plus rien trouver de ce qui le faisait aimer.»

Haltérophilo

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